Et voilà, nous avons maintenant débuté le déconfinement et sommes, espérons-le, dans les starting-blocks d’une reprise, voire d’un rattrapage au moins partiel, de l’activité économique.

Sur un plan professionnel, cette mise en quarantaine forcée a été vécue très différemment par chacun, selon son contexte, l’environnement de son confinement, son poste, ses responsabilités, son mode de management, sa méthode d’organisation.

Mais cet épisode Covid-19 a très majoritairement activé chez nous des réflexes de peur. C’est assez classique et assez « humain », lorsqu’on connaît la vitesse de propagation de la peur dans les groupes et chez les individus : peur de la maladie, de la mort, de la perte de proche, des conséquences politiques, économiques, de l’éventuelle perte de son travail, de sa liberté, de manquer de moyens, etc.

Ainsi, chacun d’entre-nous a pu se rendre compte de l’effort nécessaire pour garder la tête froide, lutter contre l’affolement et retrouver son centrage et la confiance.

En réalité plutôt que de parler de peur, nous devrions utiliser un mot plus juste à ce sujet qui est celui d’angoisse. En effet, la peur correspond à une réaction physique face à un danger identifié alors que l’angoisse correspond à une anticipation négative, souvent exagérée ou illusoire face à un danger imaginé, projeté ; car finalement, dans le cas du Covid-19, sont si ceux qui ont été directement affectés par le virus sont rares, beaucoup d’entre nous vivent depuis des semaines dans la crainte des conséquences de cette épidémie et nourrissent jour après jour une profonde inquiétude sans qu’aucune réalité concrète ne les ai réellement encore affectés.

Je veux souligner ici l’impact de l’angoisse sur nos systèmes de tous ordres. Cette anticipation négative, si nous la laissons se propager (tel un virus), risque d’affecter durablement notre moral, notre créativité, notre optimisme, notre vitalité et même notre santé, à force de baigner dans un sentiment de stress permanent.

« La peur n’évite pas le danger » dit-on. En réalité la peur augmente très ponctuellement et soudainement notre capacité à réagir face à un danger immédiat. L’angoisse en revanche altère notre lucidité, diminue considérablement notre capacité de discernement et de réaction. Des effets qu’il convient à tout prix d’éviter.

Alors, quoi faire ? Une approche pertinente, qui a déjà été proposée par de nombreux sages et auteurs, consiste à toujours se reconnecter à l’instant présent. Se rappeler que, seconde après seconde, notre vie est « parfaite »… et que le pire n’est jamais certain. L’idée n’est pas de faire l’autruche ni d’appliquer la fameuses méthode Coué. L’idée est qu’on peut regarder la réalité en face, tenter d’anticiper son évolution et réfléchir à comment s’y préparer… ceci tout en gardant le contrôle de son propre mental et en lui interdisant de s’emballer, en le ramenant toujours au mode « ici et maintenant ».

Moi-même qui ai une tendance naturelle à « l’emballement du cerveau », je m’aide parfois à l’éviter en me concentrant simplement sur deux pensées précises :

– Je me souviens du nombre de fois dans ma vie où j’ai imaginé le pire et où finalement rien de difficile ne s’est réellement passé… En y réfléchissant, quel gâchis et temps perdu !

– Je me rappelle notre condition de « mortels », qui implique que ma vie pourrait prendre fin n’importe quel jour… Chaque instant est donc un cadeau, peut-être même le dernier ; je me dis que ce serait dommage de passer mes dernières heures à m’inquiéter de ce qui pourrait m’arriver dans six mois, plutôt que d’en savourer chaque minute, non ?

Cette période très atypique peut donc aussi être envisagée comme une occasion parfaite pour tester notre capacité à garder notre centrage, notre confiance et notre positivité… autant de réflexes qui nous seront à coup sûr utiles dans bien d’autres situations à venir !

En recentrant sur la vie professionnelle, parmi les effets bénéfiques de cet épisode Covid-19 (car il y en a), on constate plus de solidarité, que les collègues et collaborateurs prennent plus soin les uns des autres, qu’on prend conscience qu’on pouvait travailler tout autant même en se voyant moins et en réduisant au passage les déplacements ; on goûte parfois le plaisir de pouvoir travailler plus efficacement, sans interruptions, sans être dérangé… Des bénéfices qui viennent quelque peu compenser d’autres inconvénients, tels que l’isolement, la confusion dans les rythmes travail ou encore la réduction des espaces de temps et de lieux permettant de reprendre de l’énergie.

Pour les managers, une angoisse déjà inhérente au management, s’est encore renforcée : est-ce que mes collaborateurs travaillent vraiment, comme il le faudrait ? (ou du moins comme je l’aimerais), prennent-ils les bonnes options ?… Tous ces questionnements nous ramènent à l’impérieuse nécessité de lâcher-prise et de faire réellement confiance dans la délégation.

S’ils n’y parviennent pas, les managers risquent de tomber dans le piège, hautement contre-productif, de l’excès de contrôle de ses collaborateurs. Rappelons-nous que les logiques de contrôle, comme décryptées depuis longtemps dans les modèles de l’approche stratégique et systémique (Palo Alto) sont sans fin : plus je contrôle, plus je tends à m’inquiéter… et donc plus j’ai besoin de contrôler !

Il est plus étonnant encore de constater que la plupart des collaborateurs adhèrent à ce principe. L’un de ceux que j’accompagne me confiait dernièrement qu’il pensait que le contrôle et la pression qu’il subissait était possiblement une condition « sine qua non » de sa performance. Voilà une croyance collective fortement ancrée chez certains. Elle est issue des principes pédagogiques d’avant 1968, du Taylorisme et de la « théorie X » de Mac Gregor, qui affirmait que sans pression ni contrainte, les individus se relâchent et diminuent leurs efforts.

Pourtant, la démonstration de Mac Gregor dans sa « théorie Y »* contredit ce principe et confirme ce que nous pouvons observer dans nos vies : nous ne sommes jamais aussi motivés et performants que lorsque ce que nous faisons nourrit nos valeurs personnelles, lorsque nous trouvons un vrai sens à ce que nous faisons, lorsque nous y prenons plaisir… Dans ces moments-là, nous ne comptons ni notre temps, ni nos efforts. Nous sommes mus par une motivation intrinsèque inarrêtable. Et dans ces moments, nul n’est besoin de pression ou de contrôle.

En revanche, je rappelle souvent aux managers que le contrôle, bien dosé, est une forme d’intérêt et de reconnaissance par rapport à ce que font les collaborateurs, mais à une condition : que leur intention soit sincèrement celle de contrôler pour féliciter et célébrer !

Si je devais tisser un lien ou tirer une leçon de cette période sans précédent pour mon activité de coaching et de management, ce serait que cette crise m’a rappelé l’importance de la prise de recul dans les moments de tension, de confusion et de doute. C’est finalement l’essence même de l’action d’un coach professionnel que d’aider son client à se dissocier de sa problématique, à prendre de la distance pour gagner en lucidité, à envisager la difficulté sous des angles différents et par là-même à trouver des nouvelles solutions, plus pertinentes, plus adaptées et plus efficientes.

En termes de management, au moment de revenir sur la piste, il m’apparaît essentiel de ne pas se plonger à nouveau le nez dans le guidon en se convaincant qu’on va rattraper le retard, mais de prendre le temps, en particulier au sortir d’une situation si complexe et si unique, de faire un point objectif de la situation, des conséquences de cette période anxiogène pour les individus comme pour les équipes, et des éventuelles opportunités aussi de changer ou d’améliorer ce qui doit l’être.

Il s’agit typiquement, dans une démarche de coaching, du principe consistant à sortir du « mainstream », du mode « pilotage automatique » et à consciemment se poser pour réfléchir et   remettre en doute ce qui paraît si évident ou si inévitable…

Pour faire sens de cette reprise, chaque organisation et chaque professionnel devra trouver la forme qui lui convient pour réaliser cette démarche. Pour ma part, ce sont mes échappées sur tout ou partie du Chemin de Compostelle et cette approche du « coaching en mouvement » qui m’ont permis chaque fois que ça a été nécessaire, de rentrer dans un autre rythme, de penser d’abord autrement avant de revenir dans le cadre habituel, mieux focalisé et plus énergique.

En parallèle avec la notion de reprise de l’activité, je conseille à tous les dirigeants et à toutes leurs équipes de procéder, sous une forme ou une autre, à un exercice d’introspection et de projection dans le futur qui permette de sortir mentalement de la spirale anxiogène dans laquelle ce confinement physique nous a tous plongés.

Observer ce palier de décompression, j’en suis certain, est une démarche nécessaire pour rebondir, plus loin et plus vite. Bonne reprise !

 

 

 

 

 

Stéphane Béguier | Coach & formateur

stephane.beguier@revercible.org

* https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_X_et_th%C3%A9orie_Y

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