Lorsqu’on écrit un livre afin de partager son expérience, il est toujours très précieux de recevoir des commentaires, des avis ou des questions. Mais il y a parfois des messages qui vous touchent plus que tout autre. Avec sa permission, je me permets de vous partager la lettre de Nathaël qu’il m’a adressée après avoir lu « JUST WALK ». De tout cœur, merci à lui d’avoir pris ce temps de rédiger ce retour avec autant de profondeur et de réflexion. SB 

 

Salut Stéphane.

Ton livre a d’abord attendu dans ma valise dans le train qui me ramenait de Lyon à Rennes. A une heure de Rennes je l’ai ouvert pour en commencer la lecture. Quelle surprise de me voir entrainé par ton écriture vive, factuelle, précise. Je fermai les yeux pour ressentir ton pas. Tu traversas des régions que j’ai souvent traversées et parfois foulées du pied.

Le premier retour spontané que j’ai envie de te faire Stéphane, c’est que tu es un homme bon et que le Chemin probablement t’a rendu vrai, authentique dans l’expression de cette bonté.

J’ai quelque souvenir de notre première rencontre. Tu arrivas en retard à notre réunion de l’équipe du CIC. Ce qui me frappa ce fut un air hautain et suffisant que tu affichais et un sens de la répartie caustique. En d’autre temps je t’aurais provoqué en duel d’ironie et de cynisme dans le but de te déstabiliser, de rabaisser ton caquet. Je me mis en retrait ; ces duels n’ont plus d’intérêt pour moi et sont cruauté envers autrui.

J’ai appris aussi à me fier à mes premières impressions et à me méfier de mes projections mentales ! Ta présence parmi nous, décidée ou choisie par Valérie présupposait que tu partageais certaines de ses valeurs et de celles du CIC (Centre International du Coaching), donc certaines des miennes. Attendre et observer (en dessous du vernis). Je notais des pattes d’oies à la commissure des tes yeux qui semblaient dire que tu n’étais pas que ce que tu paraissais. A suivre.

Puis il y a eu au cours d’une autre rencontre cette petite phrase entendue : « Je me prépare pour faire le chemin de Compostelle ». Cet homme là a donc une graine de spiritualité dans le ventre ou est-ce « encore » un de ces défis de « bobo-écolo-citadin- entrepreneur » pour ajouter une coquille saint Jacques à la boutonnière ? Attendre et observer. J’ai bien fait.

C’est un autre homme que j’ai vu il y a quelques jours (sans savoir que tu avais écris un bouquin et que tu avais fait « le Chemin »). De la douceur, de l’écoute, de l’attention (j’ai été touché que tu m’invites à la parole et de la manière dont tu le fis après que tout un chacun se fut exprimé dans le tour de table, sous cette véranda ouverte à la chaleur et aux bruits). C’est comme si je ressentais que ton expérience avait imprimée en toi de la rondeur, du yin, de l’altérité.

Merci pour ce livre Stéphane. Il m’a permis de voyager pendant quelques heures dans le calme de ma maison, à Bréhélin. Lecteur, je te suis pas à pas et j’imagine que pour celle ou celui qui comme toi a fait le Chemin, ce livre est encore plus parlant. Il sera sans doute une porte qui s’ouvre pour bien des lecteurs et  des lectrices – le Chemin compte beaucoup de femmes.

« Walk your talk » dit un proverbe Mohawk. « Marche ta parole » que ta parole soit à l’unisson de ton pas et c’est ce que j’ai ressenti en te lisant. On découvre la lente transformation du voyageur pèlerin.

Bien sûr, parce que nous sommes différents, je fus agacé par tes obsessions de la performance, du but, de l’objectif, mais, comme tu l’écris c’est encore ton moteur bien que tu aies pris conscience qu’une autre approche de soi est possible. Je crois en la vertu (j’allais écrire vertige) de la marche. Tu nous fait partager tes peurs, cet imaginaire destructeur auquel nous attachons tant d’importance et qui paralyse tant d’envies de simplicité. Puis tes peurs s’apprivoisent et te voilà plus léger, plus amène. Tu nous fais connaître ton impératif besoin de compagnie et de bavardages puis tu effleures la douceur de la solitude, tu la goûtes tu t’en réjouis même. Tu exposes avec pudeur cette peur de l’abandon, de la séparation, ton besoin de liens, d’attachements et l’on sent que tes pas, pas à pas polissent ces blessures, ces croyances. Nous ne sommes plus abandonnables parce que nous faisons le choix de ne permettre à quiconque de nous abandonner, parce que l’autre ne peut nous avoir ou pour d’autre raisons. Mais il n’est plus d’abandon possible. Je ne suis que par l’autre, et l’autre est moi comme je suis elle et lui. Sans doute.

Je trouve magnifique et généreux d’avoir invité ton épouse à partager un « bout du Chemin ».

J’aime bien cette histoire : c’est celle d’un homme inquiet qui s’est perdu en forêt. Il entend des coups sourds. Il se dirige vers la source des sons et dans une clairière il voit un bucheron qui tombe des arbres à coup de cognée. Sauvé ! L’homme demande au bucheron par où aller pour regagner un village. Le bucheron fait un signe de tête pour lui indiquer le chemin de gauche. Combien de temps pour atteindre le village demande l’homme. Le bucheron retourne à sa tâche sans répondre. L’homme le prend pour un rustre impoli et s’engage sur le chemin de gauche. Il fait cent mètres et entends le bucheron crier : « trois heures ». De colère l’homme fait demi tour et invective le bucheron : « Pourquoi ne m’avez vous pas répondu quand je vous ai demandé combien de temps pour gagner le village ? » « Je ne vous avais pas encore vu marcher monsieur, lui répondit le bucheron ». Et il reprit son ouvrage.

Par la lecture de ton expérience Stéphane, je t’ai « vu » marcher et il est un moment dans ton périple où tu bascules pour être marcheur délaissant le « défieur » ; « marche aujourd’hui, marche demain, c’est en marchant que l’on fait le Chemin » disent les conteurs. Quelle belle histoire que la tienne.

« Pouvoir être sans faire » écris-tu. C’est ce que sans doute j’ai exploré aussi dans les retraites de méditation vipassana ; dix jours en silence total, sans recherche de contact ou de communication avec les autres, à méditer chaque jour de 4h30 à 21h30, ponctués de courtes pauses.

En lisant ton récit de pèlerin j’ai retrouvé toutes les analogies de ce que l’on peut traverser en restant immobile, centré sur le souffle et la présence. La marche et la méditation vont de pair. Le non-faire est pour moi, un apprentissage aussi instructif que la marche, aussi éprouvant aussi, parfois.

Je veux te remercier Stéphane aussi pour la leçon : la carte n’est pas le territoire, dit le coach – ce que je traduis par ne pas faire trop confiance aux apparences, aux préjugés. Accepter plutôt que juger. Comme tu l’écris, chacun vit le Chemin selon qui il ou elle est. Il n’y a pas de modèle, de moule. Juste une personne en marche. La marche est connaissance de soi et du monde. « Just walk », n’est-ce pas ?!

Ton écriture est agréable. Tes chroniques sont empruntes d’humour et même de suspens. Le style découpé en courts paragraphes donne le rythme, la langue est châtiée sans être pédante.

Suis ta route et va ton chemin, tu es une belle personne.

Et je conclurai cette lettre en t’offrant une citation du poète René Char qui m’accompagne depuis des lustres : « impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, il s’habitueront ».

Que les vents et la vie te soient favorables Stéphane. Merci.

Nathaël